Le Samu est le premier rempart, mais aussi le premier interlocuteur. Et c’est à lui que l’on pose toutes les questions, avec lui que l’on partage toutes les craintes, de lui qu’on attend toutes les solutions. Mais bien sûr, nul n’a de super-pouvoirs. Nous avons voulu en savoir davantage sur son rôle et fonctionnement pour, d’une part, corriger fake news et mauvaises informations, d’autre part, aider à faire passer messages et nouvelles.
Mylène Slim est médecin au Samu. Avec ses collègues, elle est au cœur de ce bataillon de gladiateurs mobilisés jour et nuit pour tenter de faire front, combattants de première ligne qui centralisent toutes les inquiétudes, toutes les détresses, rassurent, expliquent, et prennent en charge.
Nous faisant l’avocat du diable, nous avons posé à Mylène Slim les bonnes et mauvaises questions, celles que l’on se pose à tort ou à raison.
On dit que l’OMS n’a pas eu la réactivité nécessaire…
Faux, l’OMS n’a pas failli. Quand les médecins chinois ont commencé à rapporter les premiers cas de pneumonie grave, l’information a été occultée et ils ont mis un certain temps à réagir. Puis le monde a été pris de court. Et au fur et à mesure que des lanternes rouges s’allumaient dans différents pays, les uns après les autres, la réaction s’est organisée. Chez nous, dès le départ, le ministère de la Santé a travaillé de concert avec l’OMS. Nous apprenons tous, et nous ajustons au jour le jour. Le ministère étudie ce qui a été fait et bien fait ailleurs, ce qui a donné de bons résultats, et s’adapte.
On dit que nous tâtonnons et que nous manquons de coordination…
Le monde a été pris par surprise par l’explosion des cas. En Tunisie, les professionnels de la santé, dans toutes les structures, toutes les organisations, travaillent d’arrache- pied. Toutes les structures agissent en étroite collaboration. La stratégie d’action évolue de jour en jour en fonction de l’évolution des étapes de la pandémie. Ce qu’il y a, c’est qu’il faut impérativement que le public suive les consignes. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé dans des pays qui nous ont précédés dans l’épidémie, plus avancés que nous, disposant d’une médecine bien plus riche, qui ont souffert au début du manque de discipline de leur population : les Français qui faisaient du jogging sur les rives de la Seine, ou partaient se mettre au vert, à la campagne, risquant de diffuser le virus, les Italiens qui ne respectaient pas le confinement. Chez nous, quand je vois dans la rue des gens par petits groupes serrés, la bavette autour du cou, papoter comme si de rien n’était, je me dis qu’il y a encore beaucoup à faire.
On dit que le SAMU ne répond pas….
Faux, encore. Le Samu est un service médical de régulation et de prise en charge des urgences vitales en pré-hospitalier. Il est structuré en plusieurs zones selon les régions : le 01 pour le Nord-Est couvrant sept gouvernorats (Grand-Tunis, Bizerte, Nabeul, Zaghouan), le 03 couvrant la région du Centre-Est, le 04 pour la région du Sud, le 05 Sud-Est, le 06 le Centre-Ouest et le 08 le Nord-Ouest.
Selon le lieu où vous vous trouvez, quand vous composez le 190, Télécom vous orientera sur le Samu de votre région.
Nous sommes un service de première ligne du fait de la disponibilité de notre numéro et de notre capacité à mobiliser rapidement des équipes de réanimation mobiles.
Le Samu étant consacré aux urgences de détresse vitale, nous recevions une moyenne de quelque 200 appels par jour. Le premier jour de l’épidémie, nous sommes passés à 1.000. Nous recevons aujourd’hui plus de 20.000 par jour. La Présidence du gouvernement et Télécom nous ont octroyé 60 lignes. Les anciens du Samu et les jeunes médecins d’Associamed nous ont spontanément rejoints pour répondre au téléphone.
Est-ce vrai que le SAMU ne se penche que sur les cas de retour de l’étranger?
Bien sûr que non. Au début de l’épidémie, les cas étaient tous importés de l’étranger. Aussi était-il normal de demander si l’interlocuteur rentrait de voyage ou avait été en contact avec quelqu’un rentrant de voyage. Ceci dit, de très nombreuses personnes téléphonent uniquement pour se renseigner sur les signes du Covid-19. Je souhaiterais lancer un appel et leur demander, pour tout renseignement, d’appeler le 80101919, ce qui permettra de ne pas sursaturer le 190.
Aujourd’hui, toute une procédure, qui a été mise en place, est mise à jour régulièrement par la cellule de crise du ministère de la Santé entre le Samu, la Direction des soins de santé de base, l’Onme et toutes les structures concernées.
Après l’interrogatoire, si quelqu’un a des signes positifs, généralement une forte fièvre, une toux sèche et une gêne respiratoire, nous lui rappelons les mesures d’hygiène, les gestes barrières, et lui demandons immédiatement de s’isoler seul dans sa chambre. Nous nous déplaçons pour le voir et effectuer un test. Bien sûr, il faut que les gens soient patients, nous ne pouvons pas faire 10.000 tests par jour. Si l’état de santé de quelqu’un s’aggrave, on le transporte à l’hôpital dans les services réservés au coronavirus comme l’hôpital Mami. Tous les hôpitaux ont préparé des unités Covid+. Pour le moment, nous ne sommes pas encore arrivés au pic de l’épidémie, et les hôpitaux ont encore la capacité d’accueil nécessaire.
A propos des tests, où se font-ils ?
Les tests de dépistage se font dans les laboratoires de l’hôpital Charles-Nicolle, de l’Institut Pasteur, et de l’Hôpital Militaire. A ce jour, au 27 mars, 2.769 tests ont été effectués. Le ministère de la Santé va acquérir 400.000 tests rapides.
Ya-t-il un message que vous souhaiteriez faire passer?
Le confinement, c’est pour sauver des vies et ne pas avoir des services de réanimation totalement engorgés et débordés. Cela permet de vous protéger ainsi que vos familles, et en particulier les personnes vulnérables (personnes âgées, immunodéprimées, femmes enceintes). N’oubliez pas les gestes barrières. Je souhaiterais remercier les médias pour le travail remarquable qu’ils font. Articles, spots, reportages ont tous en commun leur clarté. Et s’il vous plaît, oubliez les fake news et cessons avec la complotite.